Le capital santé du veau

Le capital santé du veau : Rappel sur le rôle clé du colostrum

Sophie Cercelet


Sophie Cercelet, vétérinaire à Maroilles (59)


Le colostrum est le lait sécrété en fin de gestation, c’est un élément complet qui apporte au nouveau-né des anticorps, de l’énergie, des vitamines et des hormones indispensables au métabolisme et au développement du veau.

Légalement, c’est le lait produit durant les 7 jours suivant le vêlage et il n’est pas possible de le commercialiser.

D’un point de vue biologique, il ne s’agit uniquement que du lait de la première traite car le taux d’anticorps diminue rapidement lors des traites suivantes.


Comme vous le savez, chez les bovins, la placentation est de type épithéliochoriale, ce qui ne permet pas le transfert d’anticorps de la vache vers le veau durant la gestation.

Les veaux naissent donc sans anticorps, sauf ceux qu’ils auraient produits durant la période fœtale par exposition à des antigènes traversant la barrière placentaire. Les veaux nouveau-nés sont donc très dépendants de l’absorption de colostrum dès la naissance pour avoir une immunité efficace durant les premières semaines de vie, il apporte également de l’énergie et a un effet laxatif permettant l’évacuation du méconium.

Le défaut de transfert colostral (absorption d’une trop faible quantité d’anticorps) est associé significativement à de la mortalité durant le premier mois de vie (entérites et pneumonies en période néonatale) mais également ultérieurement à une plus grande sensibilité aux maladies, à de mauvais GMQ, à une production laitière inférieure dès la première lactation.

Le défaut de transfert colostral peut être causé par une mauvaise qualité du colostrum et/ou à une mauvaise ingestion/absorption.


Attention à la qualité du colostrum

Il est possible d’estimer la qualité du colostrum en ferme de façon fiable et pratique avec un réfractomètre.

En élevage laitier, un colostrum est considéré bon à partir de 25 % de Brix.

Différents facteurs de variations interviennent dans la qualité du colostrum. Les Jersiaises produisent le colostrum le plus concentré en anticorps, les génisses produisent en moyenne un colostrum 30 % moins concentré que celui des vaches et les vaches de 3eme et 4eme lactations produisant le colostrum le plus concentré. La durée du tarissement doit être comprise entre 28 et 90 jours, l’idéal étant 60 jours. Le facteur de variation sur lequel l’éleveur de la mère peut jouer est la santé de celle-ci : effet négatif sur le colostrum d’une carence en sélénium et/ou d’une infestation par la douve et/ou d’une ration vache tarie manquant de protéines.

Il convient de mesurer régulièrement la qualité du colostrum, encore plus dans un contexte de pathologie néonatale pour investiguer ces 3 facteurs de variations en cas de mauvaise qualité du colostrum.


%Brix

IgG

Qualité

<19.9%

<25g/l

Très pauvre

20-21.9%

25-49.9g/l

Pauvre

22-27%

50-105g/l

Bonne

>27%

>105g/l

Très bonne, le lait peut être congelé

L’ingestion du colostrum doit être rapide après le vêlage, en effet le taux d’anticorps dans le colostrum diminue si la première traite est différée (diminution de 20 % du taux d’anticorps si la première traite a lieu six heures après le vêlage). Les anticorps contenus dans le colostrum passent dans le sang du veau grâce à une perméabilité de la barrière intestinale. Cette perméabilité dure 24h mais diminue déjà fortement après 6h de vie. Il faut donc isoler rapidement le veau après la naissance (dans les deux premières heures de vie si possible) puis lui administrer rapidement du colostrum dont la qualité a été contrôlée, avec un biberon ou un drencheur.

Le veau doit recevoir durant ses douze premières heures de vie, éventuellement en deux repas, 10 % de son poids en colostrum de bonne qualité (veau de 40kg => 4L de colostrum à plus de 25 % de Brix).

Comparaison et constitution du lait de colostrum


Taux de transfert des anticorps du colostrum



Les précautions à prendre pour maximiser les chances de réussite

Attention au risque d’échec de transfert colostral en cas de buvée libre (veau laissé au pis), la première buvée peut être trop tardive (veau mou suite à un vêlage difficile), la vache ou la génisse peut empêcher son veau de boire ou avoir une mauvaise conformation des trayons ; ce qui peut conduire à l’absorption d’un colostrum de faible qualité et/ou d’une trop faible quantité.

Il est tout à fait possible de contrôler le transfert colostral par prise de sang sur des veaux non malades âgés de 2 à 5 jours par dosage des protéines totales (voir avec le vétérinaire traitant). C’est l’une des premières démarches à effectuer en cas de pathologie néo-natale.

Le défaut de transfert colostral rend inefficace la vaccination des vaches taries contre les diarrhées néonatales. Si l’éleveur entreprend cette démarche de vaccination, il doit pour maximiser sa réussite s’assurer du bon transfert du colostrum et investiguer les causes d’échecs (mauvaise qualité et/ou mauvaises absorption).

Il est possible d’effectuer une distribution prolongée du colostrum, c’est à dire que l’on donne 150 à 250 ml de colostrum ou de lait de deuxième traite à chaque buvée aux veaux jusqu’à 15 jours d’âge, même si la barrière intestinale n’est plus perméable.

Cet apport de colostrum permet une immunité locale et réduit l’incidence des diarrhées néonatales.

La gestion du colostrum nécessite rigueur et hygiène. Les trayons doivent être nettoyés avant la traite du colostrum, qui est recueilli dans un récipient propre.

L’ensemble du matériel utilisé pour le colostrum (pots trayeurs, seaux, biberons, drencheurs) doit être rincé à l’eau froide après utilisation puis brossé à l’eau chaude avec un détergent et enfin désinfecté avec du peroxyde.

En cas de vêlages groupés, il est concevable de constituer une banque de colostrum sans congélation en conservant au réfrigérateur le colostrum de bonne qualité (>25 % Brix au réfractomètre) produit en surplus pour le distribuer aux veaux dont la mère aurait produit un colostrum de mauvaise qualité, il pourra être consommé dans les 7 jours.

En cas de vêlages étalés, on peut constituer une banque de colostrum en congelant le colostrum de bonne qualité produit en surplus. Le plus simple étant la congélation dans des sachets zippés à plat, ce qui permet une décongélation rapide, au bain-marie uniquement (pas de micro-onde!!!!)

Notez par précaution sur le sachet le numéro de la vache donneuse ainsi que la date (conservation 6 mois maximum).


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Focus sur la paratuberculose

La paratuberculose se transmet par les bouses, le lait et également par le colostrum. Dans les élevages touchés par la paratuberculose, il faut jeter le colostrum et le lait non commercialisable des vaches positives. En cas de statut négatif ou inconnu, dans ses élevages, il convient par mesure de précaution de donner uniquement le colostrum de la mère à son veau. D’autres mesures de gestion sont également nécessaires au niveau du troupeau (voir avec le vétérinaire traitant)


Point particulier sur l’achat d’animaux en gestation…

Plus la vache sera au contact de germes locaux, et plus son colostrum contiendra d’anticorps spécifiques contre ces mêmes germes. Les vaches qui sont depuis longtemps sur votre exploitation ont donc un colostrum qui immunise les veaux contre les germes pathogènes présents sur l’exploitation. Les vaches achetées portantes ou les génisses nouvellement arrivées dans l’étable ont be- soin de trois semaines au moins pour s’adapter à la flore microbienne ambiante.