
GAEC DE LORAN : Un système reproductible
Il est fréquent que l’adoption d’un troupeau allaitant suive l’abandon de la production laitière.
La Famille Nédellec a dérogé à la règle. Préalablement naisseur engraisseur Charolais, la bascule s’est opérée en l’espace de 3 ans, à partir de 2015, avec 95 génisses comprenant 73 Jersiaises, dont 60 Danoises, les autres françaises. Certaines arrivent aujourd’hui à leur 8eme lactation.
Quatre personnes veillent méticuleusement aux résultats techniques, dont Michel et Jasmine - les parents de Clément - qui aspirent à d’autres occupations. Hélène, la compagne de Clément, encore salariée du GAEC, entrera prochainement au capital. Le troupeau en vêlages groupés de printemps apris une ampleur non envisagée au début du projet.
Coïncidence
À l’été 2012, Michel Nédellec connaît un déficit d’herbe et met spontanément en place un pâturage tournant... tandis que son fils Clément, salarié d’une ferme néo-zélandaise conduite en share milking, en fait l’expérience aux antipodes de la ferme familiale gersoise. Cette démarche a été renforcée l’année suivante par l’adjonction d’un réseau d’eau et l’installation des clôtures périphériques high tensile sur toutes les parcelles.
Au printemps 2017, l’ensemble des 95 génisses achetées démarrent la nouvelle activité et voisinent encore avec les Charolaises. Fin 2018, Biolait absorbe la collecte du troupeau en monotraite. «Plus nous produisions d’herbe, plus nous constations qu’elle était mieux valorisée par les Jersiaises. Mes parents avaient patiemment bâti leur troupeau allaitant et y étaient attachés. C’est pourtant mon père qui a pris la décision de s’en séparer en 2021,» relate Clément. Aujourd’hui 220 vaches et leurs filles occupent 220 ha.

La salle de traite 2x20 Milkline DeLaval est le seul investissement matériel initial majeur (200000 €).
Uniquement des prairies
Plus aucun de ces sols fragiles de boulbène (limon blanc battant et faible proportion d’agile) n’est cultivé. Ils ne supportent que le poids des Jersiaises. Au-delà, les deux générations Nédellec veillent à entretenir l’enrichissement du sol en matière organique (à 3% et au-delà) comparativement à l’appauvrissement généralisé dans l’entourage.
Un programme de 80 analyses annuelles de sol pendant 10 années à des points géolocalisés devrait permettre de mesurer l’incidence du pâturage tournant sur le piégeage de la matière organique.
«En complément, nous plantons chaque année 500 à 800 mètres de haies destinées à l’esthétique, pourvoyeuses d’ombre pour les vaches, et parce que c’est l’arbre qui génère la pluie, et non pas l’inverse,» insiste Clément. En plus du foin, ce printemps, 90 ha ont été ensilés («un meilleur rapport entre prix et travail de récolte et de distribution») et 16 ha enrubannés.

«96% des vêlages se déroulent en moins de 6 semaines et il n’est pas question de les avancer car la météo est déterminante.»
Élargissement et stabilisation des chemins
Les chemins stables sont devenus indispensables. Leur entretien est vital tant pour le respect des sols que pour la propreté des pieds et des pis avant la traite. Clément : «Puisque le troupeau a grandi, leur élargissement à 3 mètres est incontournable pour éviter les bousculades et limiter l’étirement de la file des vaches en déplacement. De plus, ils doivent être suffisamment solides pour permettre la circulation d’un tracteur.» Plusieurs procédés de traitement ont été tentés pour les stabiliser. D’abord de l’argile traitée à la chaux, puis un mélange de chaux et de ciment sur une profondeur de 80 cm, tandis que le prochain gros chantier tentera l’expérience du hèche (calcaire friable) malaxé avec de l’eau et compacté. Aucune des formules ne vient concurrencer les autres.
Éléments clés du tarissement
La salle de traite cesse de fonctionner avant Noël, jusque fin février. Cette période est dédiée à la maintenance de l’équipement de traite et de stockage du lait. «Le renouvellement des manchons, le contrôle certifié de l’installation de traite et le rangement de la laiterie sont incontournables» relate l’éleveur méthodique.
Le protocole de tarissement se réfère aux taux cellulaires de fin de lactation. 60% du troupeau n’est pas traité. Par contre, les vaches au-delà de 150000 cellules (100000 cellules pour les primipares) ou celles qui ont été sujettes à une mammite en cours de lactation se voient injecter un antibiotique.

La barrière (chien électrique) accélère considérablement les temps de traite.
Surveillance pré-partum
Clément est catégorique : «96% des vêlages se déroulent en moins de 6 semaines et il n’est pas question de les avancer car la météo est déterminante.» Préalablement, lorsque les conditions ne permettent pas de les maintenir au pâturage, les taries puis les prêtes à vêler sont logées en stabulation libre, sur litière accumulée. Habituellement, une éventuelle première couche de copeaux de bois supporte la paille.
Sa faible disponibilité cette année oblige à la réserver l’hiver prochain au bâtiment des prêtes à vêler, curée 2 fois par semaine. La case de vêlages est systématiquement nettoyée tous les 2 jours, voir quotidiennement, selon le rythme des vêlages.
Les vaches en fin de gestation seront donc sur de la sciure malaxée quotidiennement. Les prêtes à vêler sont nourries quasi exclusivement au foin. Du chlorure de magnésium est distribué quotidiennement dans un peu de maïs broyé. Les plus proches de leur terme sont surveillées via deux caméras. Les vêlages étant particulièrement groupés et «Les Jersiaises n’étant pas maternelles dans l’ensemble, tous les vêlages se déroulent à l’intérieur afin d’intervenir si nécessaire, mais surtout assurer la filiation des veaux.»
5 à 6 pesées des veaux
La traite des colostrums du premier jour est répartie aux nouveaux nés. Ils reçoivent ensuite un colostrum de mélange jusqu’au 7e jour.
Réunis par lots de 50, ils consomment 5 litres en double buvée jusqu’à l’âge de 15 jours en moyenne, puis en monobuvée. Ils sortent - au plus tôt - à l’âge de 3 à 4 semaines en pâturage tournant, sans complémentation de foin ni de concentré. Sevrés à un peu plus de 100 kg, ils sont pesés 5 à 6 fois pendant la 1e année. Le bâtiment qui les héberge connaît un vide sanitaire de 9 mois.

Les veaux sont pesés 5 à 6 fois pendant la première année.
Occupations quotidiennes
Le matin, 2 heures de traite occupent 3 personnes dans un équipement devenu sous-dimensionné au fil du temps. Les soins aux veaux en phase lactée réclament moins d’une heure à 2 autres personnes.
«En été, comptez 1 heure d’irrigation quotidienne et des changements de paddocks 2 à 5 fois par jour,» énumère Clément. «Les pâtures ne sont pas occupées à date constante, mais en fonction du volume d’herbe consommable, soit un retour sur la parcelle entre 32 et 40 jours. Le trèfle répond très favorablement à l’eau, mais pose un problème de météorisation à l’automne, en conséquence le topping évite ce problème en fin de saison, même s’il est difficile à sécher». Cependant, il constate moins d’eau dans la plante depuis le passage en AB.

Deux modes d’arrosage
Dans la petite région de Mirande, les 700 mm de pluviométrie sont répartis irrégulièrement. «Trois mois sans pluie est une situation commune. En 2022, nous avons été cinq mois et demi sans averse,» dit Clément. Par conséquent, 48 ha sont arrosés par un pivot Valley «super haut» capable de franchir les haies (surcoût de 30%), doté de travées de 60 mètres sur une longueur de 360 mètres (+20 mètres de canon). Des pods d’irrigation tractés et déplacés par le pick-up équipent 60 autres ha, et participent à meilleure efficacité d’arrosage en créant un microclimat à faible hauteur.
Un premier arrosage de 20 mm durant 3 jours est suivi d’un second arrosage de 35 mm permettant un pâturage environ 35 jours plus tard. Sur ces parcelles à proximité, 8 à 10 passages par an sont ainsi possibles.

Les pods d’irrigation sont tractés et déplacés par le pick-up.
Un renouvellement plus ciblé
«Mes priorités de sélection vont à la fertilité, à la qualité des pieds, à la fonctionnalité de la vache, aux taux, et au polled si possible. L’ensemble de ces critères vise à atteindre 5 lactations,» liste Clément qui pourrait réfléchir à un éventuel génotypage.
«La Jersiaise est précoce,» poursuit-il, «elle exprime bien ses chaleurs et notre système permet une surveillance à l’œil.» Il concède que la première observation du matin et la dernière du soir sont déterminantes.
En période de reproduction, les vaches laitières et les génisses sont observées 4 fois par jour. Elles sont inséminées une fois puis éventuellement saillies. Clément recourt désormais à 70 doses sexées sur les vaches choisies. Le reste est croisé en Inra 96, puis 16 taureaux Jersiais (dont 10 sur les vaches) interviennent.
GAEC DE LORAN | |||
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Main d'Oeuvre | 4,5 UTH | Précipitations | 750 à 800 mm |
Surface Totale | 215 Ha | Surface pâturée | 215 Ha |
Type de pâturage VL | Tournant Dynamique | T MS / Ha / An | 10 tonnes |
Tonnage entrée | 3500 - 4000 Kg | Tonnage sortie | 1500 Kg |
Vaches traites | 220 | Races | Jersey dominant et Kiwi |
Période vêlage | Mars - Avril | Durée des vêlages | 7 semaines |
Détection chaleurs | Visuel | Date début IA | 20 Mai |
Date entrée taureaux | 10 juin (2024) | Taux gest. 6 semaines | + 90% |
Cycle de traite | Monotraite | Date fermeture SdT | 5 - 10 Décembre |
Lait / Vache | 3800 L (2023) | TB / TP | 55 / 42 |
EBE / 1000L | 290 € | EBE/ Ha SFP Lait | 1 500 € |
Vacances | 3 à 4 semaines / an | Autre | Irrigation (100Ha) |