
GAEC DE LA VALLÉE VERTE : Conduite du pâturage déterminante pour la pérennité du végétal
Benoît Delaunay et Chirstelle Gendrin ont une approche insolite et très personnalisée de la vache laitière sous influence néo-zélandaise. Les vaches à 5000 kg qui ne vêlent pas systématiquement chaque année ont leur place dans leur système herbager aux paddocks de surfaces inégales. Ajoutons-y la pratique des mères nourrices et… Nous n’avons pas encore tout dit.
Aux commandes du Gaec Vallée Verte, le frère et la sœur constituent la 4e génération d’éleveurs au hameau de la Leverie à Montabot dans le centre de la Manche. Benoît a pris la relève en 1999 après de nombreux remplacements de traite, ainsi qu’un séjour de 15 mois aux USA. Six ans plus tard, en 2005, il est rejoint par sa sœur Christelle qui venait de passer 10 ans en tant que chef de rayon d’hypermarché.
Doublement des actifs, surface et production quasiment doublées
Les 34ha et 140000 litres initiaux de l’époque évoluent d’abord à 60 ha et à 300000 litres de lait auxquels se juxtaposent rapidement 30 ha supplémentaires qui accentuent cette fois la proportion de pie noire (moyenne 6500 kg) dans le troupeau résultant.
Aujourd’hui la surface totale a atteint 150 ha totalement dédiés à environ 650000 kg de lait produits, dont 600000 vendus et le solde alimente les jeunes génisses.
«Puisque nous disposions d’assez peu de surface labourable, nous avions toujours été très pâturant, d’autant qu’il est préférable d’avoir de l’herbe à proximité,» dépeint Benoît qui s’exprime d’avantage que sa sœur. "Nous étions également intéressés par la bio depuis une poignée d’années, et nous avons franchi le pas en 2011, sans nous séparer de 5 ha de maïs pendant 5 ans à la faveur d’un sarclage toujours réussi," précise-t-il.

Benoît Delaunay : «Nous n’avons pas de protocole stéréotypé du pâturage. Sa conduite sur des sols hétérogènes est déterminante pour la pérennité du couvert végétal sur l’ensemble de la ferme.»
Mesure de l’herbe au feeling
Pourtant, le maïs a été abandonné en 2017 afin de se concentrer à la gestion plus fine de l’herbe. «En automne et un peu en hiver, elle demeure productive et toute la surface est pâturable pour satisfaire les besoins du troupeau,» indique l’éleveur. Celui-ci considère d’autres avantages à cette orientation : «Moins de puissance de traction nécessaire, moins de matériel en doublon, un seul sujet à penser : améliorer la productivité de l’herbe – le pâturage et la fauche constituent un système plus autonome que la polyculture,» ajoute-t-il avec un sourire.
Son amélioration de la pratique herbagère des prairies permanentes est d’abord passée par des mélanges pluriespèces (2 variétés de RGA, 3 de TB, un peu de TV et de la fétuque des près).
Désormais, le renouvellement des prairies est devenu marginal, la prairie naturelle exploitée de façon optimale est pérenne.
La performance globale du système repose sur l’adaptation constante de l’éleveur à la nature de chaque parcelle. «Nous n’avons pas de protocole stéréotypé. La conduite du pâturage sur des sols hétérogènes - qu’ils soient séchants, humides ou pentus - est déterminante pour la pérennité du couvert végétal sur l’ensemble de la ferme,» analyse-t-il. Sa mesure de l’herbe au feeling, sa tolérance d’une herbe parfois un peu plus vieille, lui conviennent. Il en estime la matière sèche consommée à 1500 kg/ha.

Christelle Gendrin est principalement responsable de la traite dont elle simplifie le protocole à sa plus simple expression : massage et essuyage au papier sec, éventuellement à la lavette humide.
Foin et enrubannage
70 ha sont accessibles aux 110 vaches. 20 ha environ de surplus par cycle sont dégagés en foin et en enrubanné en fonction de la saison.
La surface de chaque parcelle est gérée au «fil avant, fil arrière» : les vaches changent ainsi de paddock toutes les demi-journées. L’apport de foin après la traite permet d’instaurer un cycle de prélèvement de l’herbe compris entre 21 à 42 jours ( jusqu’à 60 jours à l’automne) pour éviter les météorisations.
«L’enrubannage est simple dans sa mise en œuvre, sur une topographie défavorable à l’ensilage,» partage Benoît. «Davantage de coupes au stade approprié et de meilleurs regains offrent la possibilité de mélanger des récoltes différentes à l’auge. Son point noir : le plastique,» admet le praticien de l’agrobiologie.

Le foin, disponible après chaque traite, est largement contributeur de la stabilité ruminale.
IVV longs tolérés
Indépendamment de la saison et sans achat de concentré énergétique, la productivité de l’herbe satisfait aux livraisons de lait contractualisées sur l’ensemble de l’année. Par conséquent, les vêlages sont étalés et répondent aux besoins de transformation de Danone (Les 2 vaches) en produits frais. D’ailleurs, aux yeux de Benoît, le vêlage saisonnalisé demande trop de rigueur, nécessite un travail et une forte pression sur la fécondité. Il tolère des vaches qui vêleraient tous les 18 mois par exemple. «La vache est pertinente aussi longtemps qu’elle produit et qu’elle se reproduit,» enchérit-il.
«Des améliorations demeurent possibles,» conclut Benoît. «Par exemple, nous étudions la possibilité de pratiquer la monotraite sur certaines primipares afin qu’elles vivent mieux leur première lactation perturbée par des dermatites, des soucis de boiterie et de fécondité.»

2 km de chemins surélevés (par rapport au niveau de la pâture), posés sur terre végétale, nécessitent 1 seule journée d’entretien par an.
Tâtonnements génétiques préalables
Beaucoup de formules ont été envisagées avant de se caler sur des accouplements plus «anglophones». Le troupeau mélangé de Normande et de Holstein a été croisé (Montbéliard, Simmental) pour aller au-devant de l’expression de l’hétérosis sur les pattes et la fertilité. Suédoise, Brune, les ont suivis jusqu’à se fixer sur des accouplements ciblés sexés Frison, Jersey, Kiwi et BBB conventionnels destinés à ce qui présente moins d’intérêt pour le renouvellement.
«La Kiwi a une production dynamique, elle est familière comme la Jersey,» débute Benoît. «Son gabarit préserve le sol et la prairie, elle conserve beaucoup d’aptitude laitière, de réactivité de sa fécondité malgré un état général qui peut paraître défavorable.» Il y voit de nombreux avantages à cette nouvelle orientation.

Les génisses (ici âgées de 13 à 14 mois) sont mises à la reproduction entre 15 et 18 mois pour parvenir à un premier vêlage à 26,7 mois en moyenne
Mères nourrices
Depuis 2014, les génisses de renouvellement sont longuement élevées au pis des nourrices.
De J1 à J15 ces veaux sont avec leur mère biologique jusqu’à ce que le nombre de vêlages permette de constituer une petite fratrie attribuée à une nourrice. Elles se composent de trios au printemps, suivis de duos à partir du mois d’août, puisque 6 à 7 litres sont nécessaires par veau.
Dépourvu de protocole strict, le sevrage se pratique entre 5 et 8 mois, la durée de présence au pis n’a pas d’importance puisque le lait est toujours favorable à la croissance. Les génisses séparées reviennent en stabulation à la ferme pendant 8 jours. «Ça braille,» prévient Benoît, «mais la méthode permet de canaliser ces jeunes,» assure-t-il.
Meilleures croissances des génisses
Les vaches nourrices et leurs veaux pâturent des îlots éloignés. Elles bénéficient d’un râtelier d’appoint dès le mois d’octobre.
Cette pratique limite le nombre de vaches à traire, d’autant que certaines sont spécialisées dans cette tâche. Préalablement, des aspects moins enthousiasmants s’imposent : difficulté de l’adoption par la nourrice, au risque d’un éventuel coup de pied et la nécessité de clôtures fonctionnelles. Ces désagréments sont contrebalancés par des aspects plus favorables : exit la paille et le foin pour les veaux, le lait est consommé à bonne température, le pâturage précoce se réalise sans transition alimentaire, dans les parcelles éloignées et le plus tôt possible. Au final, Benoît et Christelle constatent une croissance optimale de leurs génisses.
GAEC DE LA VALLÉE VERTE | |||
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Main d'Oeuvre | 3UTH | Précipitations | 900 mm |
Surface Totale | 150 Ha | Surface pâturée | 50 Ha |
Type de pâturage VL | Fil avant (2 fois/jour) | T MS / Ha / An | 5,5 à 6 tonnes |
Vaches traites | 120 | Races | Croisées |
Période vêlage | Mars à Décembre | Lait / vache | 16 litres |
Détection chaleurs | Visuelle | TB / TP | 43 / 34 |
EBE / 1000L | 419€ | EBE/ Ha SFP Lait | 1637€ |
Vacances | 3 semaines | Week-End | 1 sur 3 au travail |